Les amoureux de l’histoire de l’art, les curieux, les enquêteurs dans l’âme vont se régaler avec ce nouveau périple artistique présenté au musée des beaux-arts durant cinq mois. « Dans la poussière de Séville… sur les traces du Saint Thomas de Velázquez » permet à la fois d’ausculter un tableau unique, trésor des collections, mais aussi de goûter à la magie de l’histoire de l’art, pleine de mystères, de questions restées en suspens et d’investigations à venir. La nouvelle exposition est tout cela et bien plus encore.
Fait exceptionnel, seuls deux musées français possèdent un tableau de Velázquez, Orléans et Rouen. Qui plus est, la cité johannique est la seule en France à posséder une toile datée de la période sévillane et donc de jeunesse du grand maître, Rouen possédant un tableau de la période madrilène.
Un joyau et un mystère
Joyau aux origines mystérieuses, le Saint Thomas de Velázquez est donc enfin mis à l’honneur et en lumière grâce au travail de l’équipe du musée et du commissaire de l’exposition Corentin Dury qui a enquêté pendant des mois sur ce tableau hors du commun. « Le premier mystère déjà, c’est que l’on ne sait pas comment le tableau est arrivé au Musée des beaux-arts d’Orléans », raconte Corentin. L’exposition présente dans un premier temps la redécouverte de ce chef d’œuvre qui fut cité pour la première fois à Orléans en 1843 dans un catalogue, mais sous le nom du peintre Murillo et comme simple « solitaire ». Il faudra attendre 1920 et la venue de l’historien Roberto Longhi pour reconnaître la main du jeune Velázquez et le sujet, un apôtre du Christ. A partir de ce moment, le tableau prend une place majeure dans l’histoire de l’art moderne et tous les musées, le Louvre en tête, nous l’envient.
Le parcours offre ensuite la possibilité d’ausculter, de disséquer le tableau comme cela n’avait jamais été possible avant. Une restauration de l’œuvre, permise grâce à une opération de mécénat en 2018, a permis de produire une imagerie scientifique essentielle à son étude. Infrarouge et radiographies nous révèlent ainsi de nouveau secrets du tableau. « On voit les coups de pinceau du jeune maître et combien son geste était sûr, souligne Corentin Dury. Il n’y a pas eu de doute, de retour en arrière ou de repentir. » Grâce à une tablette tactile, le visiteur peut même naviguer à l’intérieur du tableau et rentrer dans la matière. Une subjugation de la matière picturale incroyable !
Vient enfin la partie maîtresse de l’exposition, la salle avec sa scénographie magnifique toute en arcades et en alcôves, qui réunit pour la première fois le Saint Thomas, que l’on découvre enfin sous nos yeux ébahis, le Saint Paul (prêté par le musée de Barcelone) et un fragment d’apôtre (prêté par le musée de Séville), soit une partie de l’Apostolado de Velázquez. « C’est un honneur et une chance, un moment très émouvant aussi, avoue le commissaire d’exposition. Les tableaux peuvent dialoguer ensemble, se répondre. Nul doute qu’ils ont beaucoup de choses à se dire. » D’autres toiles sont mises en dialogue avec le Saint Thomas, des peintures remarquables de Pacheco, Ribera, Tristán… Parmi elles, neuf sont inédites et la plupart n’ont jamais été confrontées aux trois tableaux de Velázquez. Plaisir de la contemplation, connaissance intime d’un tableau et du contexte de sa création s’entremêlent.
Dernier mystère, un tableau qui a refait surface récemment est présenté à la fin de l’exposition. Sa conception en a été attribuée au grand maître ou à son atelier par Longhi mais rien n’est sûr. L’enquête est ouverte : à vous de vous faire votre œil et votre opinion. « C’est la magie de l’histoire de l’art, sourit Corentin Dury. Le but de l’exposition est d’ouvrir une porte, de rendre compte des hypothèses du passé, du présent et du futur aussi. » Libre à chacun de mener ses investigations avec un art plus vivant, plus mouvant que jamais !