Quelle est la genèse du film ?
J’étais en plein de tournage de mon premier long-métrage Au nom de la terre, très inspiré de l’histoire de mon père et de mon vécu, quand j’ai lu un article de presse de Libé qui parlait des agriculteurs qui avaient été encouragé à cultiver du colza il y a trente ans. Ils venaient manifester devant une raffinerie Total qui allait devenir « verte » en important de l’huile de palme moins chère pour faire des carburants durables, de Malaisie et Indonésie. Une fois encore, les agriculteurs français étaient les dindons de la farce. Cela m’a donné le point de départ. Et puis, pour un deuxième film, j’avais envie de parler de lobbying, de politique, de géopolitique… Très vite, s’est imposée à moi l’idée de raconter le combat d’une maman au nom de son fils.
Quand Félix Moati a lu le scénario, il m’a dit que c’était un film encore plus personnel qu’Au nom de la terre et qu’après avoir raconté mon père, je racontais maintenant clairement ma mère. Il incarne un étudiant en anthropologie qui s’intéresse aux autochtones, les paysans chassés de leurs terres par les compagnies forestières en Indonésie. Il a son appareil photo toujours avec lui. J’ai été grand reporter… Quelque part cela rassemble un peu à mon histoire fragmentée. On met toujours de soi dans un film.
Vous connaissiez l’Indonésie ?
J’avais tourné un film documentaire en Indonésie. La déforestation est un sujet majeur pour moi. J’y suis retourné en repérage pour La Promesse Verte, j’ai réalisé les images de la forêt primaire qu’on voit au début du film, à l’ouest de Bornéo. Le reste du film a été tourné en Thaïlande car les équipes de cinéma y sont très fortes et cela se ressemble beaucoup. Nous avons trouvé des décors parfaits. Il y a aussi une partie tournée à Paris et aux Sables d’Olonne où j’allais en week-end, enfant. J’ai imaginé mon héros y naître, vouloir devenir un aventurier, un explorateur et plus tard partir à la rencontre d’une jeune activiste des temps modernes inspirée de vraies figures comme Mina Setra. Je voulais montrer que les lanceurs d’alerte sont souvent des jeunes, et des jeunes femmes qui défendent leurs peuples, leurs forêts. C’est un film de femme. C’est une maman combattante, et une jeune activiste qui insufflent une énergie au jeune étudiant français.
Comment avez-vous choisi vos acteurs ?
Alexandra Lamy c’est une fille populaire. On l’a tous vu dans notre salon avec Un gars, une fille. Je voulais une madame tout le monde pour jouer cette maman qui a besoin d’aller en Indonésie pour aider son fils, injustement emprisonné. Elle est issue de classe moyenne, elle doit vendre sa voiture pour pouvoir partir. On peut facilement s’identifier à elle, se mettre à sa place. C’était ma volonté d’être à hauteur de cette femme. Quand elle est perdue, elle entre dans cette gigantesque lessiveuse. Le spectateur mène l’enquête avec elle. Et en même temps, elle devient une lionne, une mère louve, quand son fils est condamné à mort. Elle ne lâche rien alors que ce n’est pas son monde, qu’elle n’en possède pas les codes.
Il y a eu un long travail d’écriture. Je suis journaliste à la base, documentariste. Ce qui compte pour moi, c’est de faire un cinéma du réel, crédible dans les décors, dans le choix des comédiens, dans l’écriture. On a écrit pendant presque trois ans avec mon co-scénariste. Je voulais partir avec des comédiens sympas à l’autre bout du monde. Il y a tout un tas de personnages baroudeurs, des étrangers qui ont eu des vies torturées, un peu mystérieuses. Ils ponctuent le film, comme le personnage australien, très fort. L’acteur a improvisé un chant irlandais lors de la scène dans le couloir de la mort. Les acteurs sont allés loin dans l’émotion. D’ailleurs Alexandra Lamy et Félix Moati avaient le même coach durant le tournage, une manière de créer un lien entre la maman et son fils qui au final ont très peu de scènes ensemble. Mais on a l’impression qu’ils sont ensemble tout au long du film. On ne peut penser à l’un sans l’autre.