Il se passe quelque chose devant la façade du cinéma Les Carmes en ce vendredi après-midi ensoleillé du mois de septembre.
Il y a comme un parfum dans l’air.
Les passants s’arrêtent net, les propriétaires de boutique se postent sur le pas de leur porte, une bande de jeunes gens en quête d’autographe patiente avec des livres de dessins à la main. Tous observent et admirent un homme, à la haute stature et à la tenue colorée, portant un masque et peignant une toile géante à ciel ouvert. C’est Jace qui s’attèle à la 50e fresque du MUR Orléans avec gourmandise et frénésie, devant un public ébahi, entièrement acquis à sa cause.
Démarré en 2017, le MUR piloté par la Mairie d’Orléans et placé sous la direction artistique de l’association Sacre Bleu, est devenu un vrai rendez-vous avec les habitants, les passants qui guettent chaque prochaine fresque et collectionnent dans leurs mémoires les précédentes œuvres, aux univers variés, aux formes artistiques et graphiques radicalement différentes. Pour marquer le coup du 50e anniversaire et célébrer tous ensemble dans la joie cet événement unique pour la ville, c’est l’artiste populaire et raconteur d’histoires Jace qui a été choisi pour faire le mur. Il expose en galerie, crée des livres, réalise des photographies et des collages, travaille à la craie grasse, se met aussi au pinceau, parcourt le monde... Mais il revient sans cesse à ses origines de peintre de rue et à ses gouzous, petits personnages oranges et sans visage devenus célèbres - notamment à La Réunion d’où il est originaire - et qui valent à l’artiste cette horde de fans un peu partout dans le monde.
Entre deux coups de bombe, l’artiste se pose pour livrer quelques secrets. « J’ai commencé le graffiti traditionnel à la fin des années 80 avec le tag. J’en ai vite fait le tour, je trouvais ça trop restrictif, trop communautariste. J’avais envie de m’adresser à un plus large public. J’ai donc créé ce petit personnage pour pouvoir le réaliser le plus rapidement possible dans des conditions pas toujours simples, parfois de nuit, sans autorisation. Je l’ai épuré un maximum, en gardant juste la tête, deux bras et deux jambes et en le faisant évoluer dans différentes situations ». Aujourd’hui, avec la bénédiction de la Mairie d’Orléans et à la plus grande joie des habitants, les gouzous envahissent malicieusement la façade située rue Henri Roy. « J’ai amené le soleil, la couleur et le bonne humeur à Orléans », sourit Jace. Avec sa palette de couleurs pastel - notamment ce vert apaisant, chatoyant - sa fresque respire en effet la bonne humeur, la joie, la douceur, la drôlerie. Lancés à toute allure dans une camionnette, les gouzous tracent leur route avec malice dans un univers gai et coloré plein de peps. Une fresque pour célébrer la vie et le vivre-ensemble.
« Initialement, notre art était avant tout underground et clandestin, raconte Jace. Aujourd’hui, grâce aux réseaux sociaux, j’ai des groupes de fans, des échanges plus faciles avec ma communauté. C’est une certaine manière de dialogue avec eux. Et au-delà de ça, ce qui m’intéresse c’est d’offrir de l’art populaire dans la rue, à ceux qui ne poussent pas forcément la porte des galeries et des musées ou n’ont pas les réseaux sociaux. » L’art pour tous, tous pour l’art !
* Façade du cinéma Les Carmes : 50e fresque visible jusqu’en janvier