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      le 03/02/2024

      La mort n’en saura rien

      Nouveau chapitre, nouvelle pépite à la Collégiale St-Pierre-le-Puellier. Impossible de ressortir indemne après avoir vu « La mort n’en saura rien », exposition conçue par la Galerie Capazza et mettant à l’honneur l’immense artiste Jean-Gilles Badaire.

      Bouleversante. Touchante. Renversante. D’une beauté absolue... Le cœur s’emballe, le pouls s’accélère, les émotions se bousculent à la minute où l’on découvre la nouvelle exposition présentée à la Collégiale St-Pierre-le-Puellier. Il n’est ici question que de ressentir, de laisser son âme s’envoler en explorant ce nouveau chapitre de l’église millénaire qui met à l’honneur le peintre, dessinateur et écrivain, Jean-Gilles Badaire, disparu l’an dernier. C’est la deuxième collaboration entre la Mairie d’Orléans et la Galerie Capazza, qui pour cette occasion assure le commissariat conjointement avec l’épouse de l’artiste, Cécile Badaire.

      Priez les dévots mornes

      Nous dansons sur les tombes

      La mort n’en saura rien

      Dors bien dors bien

      Guillaume Apollinaire, Funérailles, Le Guetteur mélancolique

      Une exposition comme un poème

      « La mort n’en saura rien ». Tout est dans le titre, vers emprunté au Guetteur mélancolique d'Apollinaire. Tel un grand jeu de cache-cache avec la mort, où l’humour et la légèreté se nichent dans les détails, l’exposition, partant de l’intime atteint le summum de l’universel et nous renvoie le miroir de nos questionnements et de notre propre finitude. Le tout avec une poésie foudroyante. Une ode à la vie alors que le crépuscule approche. La lumière dans la noirceur, toujours.

      « Figure incontournable du territoire, grand monsieur de la peinture et de l’écriture, Jean-Gilles Badaire était un artiste protéiforme, raconte Laura Capazza (photo ci-dessus). En construisant l’exposition avec son épouse, le thème s’est comme imposé de lui-même : traverser la vie de l’artiste et de l’homme, de l’enfance à la mort. Elle embrasse toute la vie d’un homme de manière intime, poignante. » A l’image de cette série de tableaux aux couleurs acidulées qui débutent le parcours où l’artiste peint son autoportrait de lui enfant, à partir de rares photos d’époque. « Il a peint la photographie littéralement, détaille Denis Capazza (photo ci-dessus). Il a même effacé ses parents - disparus dans son enfance et son adolescence - après les avoir intégrés au tableau car il sait que la vie est un segment. Il a une conscience aigüe de l’épaisseur du présent car il comprend très vite comment tout cela va finir… »

      « Comme une chandelle qui à la fois nous éclaire et se consume. » Tel est le propos de l’exposition, du début à la fin : « C’est un sujet fort, il y a un parti pris. L’écho à la disparition de l’artiste nous renvoie à toutes nos questions. Il y a une forme de mise à distance aussi car il y a de la joie dans de nombreuses séries de peintures, beaucoup de douceur. On n’est pas dans un côté morbide mais bien dans un hymne à la vie. Avec une question essentielle : que fait-on du temps qui nous est imparti ? »

      Un combattant poétique

      Son temps  lui, Jean-Gilles Badaire l’a rempli d’œuvres incarnées et vivantes. De 2020 à 2022, en réponse au couperet d’une mort annoncée, l’artiste, véritable combattant poétique et travailleur acharné « ne lâche jamais la tête du dragon ». Il danse avec la mort. Il peint dans un étonnant camaïeu de vert, de bleu et de noir un ensemble d’Orages et deux séries déroutantes de portraits présentées pour la toute première fois dans une exposition, à la fin du parcours. Presque comme un testament, un legs. Son épouse, Artaud, Rimbaud, lui-même, les êtres finissent par s’entremêler jusqu’au vertige.

      Entre le début et la fin, on découvre aussi une œuvre monumentale pleine de tendresse, une revisite de l’histoire de la peinture avec notamment un chemin de croix magnifiquement épuré, des vanités, des anges, des memento mori, des squelettes dansants… La force du geste artistique saute aux yeux. Quand on voit une œuvre de Badaire, on sait que c’est lui !

      Dans ce lieu à la charge émotionnelle incroyable, l’artiste a toute sa place, il est avec nous. Il partage ses émotions avec nous, nous partageons les nôtres avec lui. Son art ravit, il est empreint de vie, tout aussi marqué dans sa chair soit-il. Voici ce qu’il nous dit, à travers ses écrits, sa peinture, jusqu’à son dernier dessin, réalisé quinze jours avant sa mort qui boucle la boucle. La vie est un éternel recommencement. Il faut chérir le temps imparti. Aimer. Lire des livres. Admirer des œuvres. Courir de par le monde. « C’est une exposition qui ne nous laisse pas indemne, mais de manière positive », sourit Laura Capazza. Chacun repart avec une petite trace en lui d’une rencontre unique, par-delà le temps, avec Jean-Gilles Badaire.

      La mort n’en saura rien, exposition visible du 3 février au 17 mars

      Vernissage de l'exposition à la Collégiale, le vendredi 2 février, à 18h.

      Pratique :

      Collégiale Saint-Pierre-le-Puellier : ouverte du mardi au dimanche de 14h à 18h, fermeture les jours fériés.

      Renseignements et réservations des visites guidées, du mardi au samedi au 02 38 79 24 85.

      A  noter :

      Une lecture suivie d’un temps d’échange sera proposée avec l’écrivain Yannick Mercoyrol et Sophie Todescato (librairie Les Temps Modernes) le dimanche 18 février à 15h30 à la Collégiale.

      "Figures de la mort de l'art antique à Jean-Gilles Badaire: visite proposée par l'association Pour une Alternative Funéraire, commentée par Véronique Galliot-Rateau, conservatrice honoraire des musées d'Orléans. Samedi 16 mars à 14h30 à la Collégiale.

      Article : E.Cuchet