Une collégiale métamorphosée en château à la Rosa Bonheur, en bestiaire fantastique faisant la part belle à la nature. Après près de 40 ans de carrière et un succès à l’international, une année 2025 couronnée de prix et d’expositions majeures, le peintre animalier orléanais Capton a les honneurs de la Collégiale St-Pierre-le-Puellier. Une rétrospective née d’un rêve - partagé avec son commissaire d’exposition Gil Bastide - devenu réalité. « La peinture, c’est la vie ; la vie, c’est la peinture », résume ainsi Capton, comme un poisson dans l’eau dans l’écrin de l’église millénaire.
Dans une scénographie foisonnante entremêlant la vie et l’atelier de l’artiste, le visiteur découvre ainsi une quarantaine de tableaux anciens - vaches, taureaux, boucs, brebis, toute une ménagerie merveilleuse - et d’œuvres plus récentes, notamment ses chevaux majestueux et sa dernière série consacrée aux animaux à plumes : zébus, paons, flamants roses, cygnes, coqs… Son cheptel s’est agrandi. Au début du parcours à la fois contemporain et intemporel, on est même accueilli dans une véritable écurie, transformée en temple de la peinture, ode à des animaux qui ont conquis ce portraitiste et coloriste hors pair. Dans le cœur, une œuvre majeure - spécialement créée pour l’exposition - est projetée sur une toile géante : le cheval Pégase foudroyant de grâce et de majesté, inspiré de son modèle préféré, Jaipur, cheval star des écuries Arcadie dans le Loir-et-Cher, petit coin de paradis où le peintre séjourne régulièrement. L’exposition devient une scène, un véritable théâtre.
« À travers ma peinture, j’ai la volonté de rendre hommage au monde animal, au sens noble et généreux du terme, à témoigner du fait que ce sont des êtres sensibles qui ont beaucoup à nous dire, raconte Capton. Derrière chaque tableau, il y a une rencontre, une connexion avec l’animal, une anecdote. Cela commence toujours par le regard ! ». D’où cette sensation unique d’être observé par les animaux quand on parcourt l’exposition. Chaque toile en effet raconte une histoire, l’artiste connaissant chacun de ses modèles par son prénom - Jaipur l’étalon - « il est magnifique, il le sait » -pour qui il a eu un « coup de foudre », Ulysse le bouc angora malicieux, Porthos le fier percheron… Il y a aussi ce paon fou de madeleines, et ce cacatoès abandonné et maltraité recueilli par son amie des écuries Arcadie qui se pose maintenant sur son épaule pour lui faire des câlins. « Je suis une éponge, je regarde, j’écoute, je prends le temps. Je ne fais aucun croquis sur place. Puis une fois à l’atelier, j’ai tout en mémoire quand je peins : les odeurs, le toucher, la rencontre, le partage… » Sur une toile totalement vierge, la magie opère. Pendant des heures, porté par une sensation d’urgence, l’artiste travaille au pinceau à main levée. Il superpose les couches de peinture pour créer le volume, revient vingt ou trente fois avec ses couleurs, ajoutant matière et lumière jusqu’à obtenir l’intensité recherchée.
Tel est l’enjeu de l’art avec Capton : être témoin de son temps. Son travail évoque la nature, la ruralité, la noblesse de l’animal. Ses œuvres deviennent des capsules temporelles - témoignage d’une époque où certaines races d’animaux sont en danger d’extinction. Mettre la vache en vedette - sa marque de fabrique à ses débuts - c’est aussi redonner toute leur place aux agriculteurs dans un monde où la nature est souvent délaissée, où l’urbain prend le pas sur le rural. « Ma peinture n’est pas que décorative. Il y a aussi un autre message, un sens moins visible. Mes tableaux de la série Nature Sacrifiée tirent une sonnette d’alarme. Faut-il un sacrifice pour que nous prenions conscience de ce que nous sommes en train de perdre ? Reste-t-il l’espoir d’une renaissance, d’une réconciliation entre l’Homme et la Nature ? » Un espoir incarné par son travail, immense et essentiel, à découvrir d’urgence.
Emilie Cuchet